Quelques informations à propos du livre de Camille
Bourniquel sur Chopin : étude du chapitre « Nationalités » de l’édition
de 1957.
Classement : questions biographiques ; écrits sur Chopin
Ceci est la suite de la page Camille Bourniquel 2, consacré à l'ouvrage intitulé Chopin (Editions du Seuil, 1957).
J’étudie ci-dessous le chapitre 2 de ce livre, intitulé « Nationalités », particulièrement intéressant pour le sujet de ce blog ; on trouvera le texte (annoté) de ce chapitre sur une page spécifique.
J’étudie ci-dessous le chapitre 2 de ce livre, intitulé « Nationalités », particulièrement intéressant pour le sujet de ce blog ; on trouvera le texte (annoté) de ce chapitre sur une page spécifique.
Vue d’ensemble
Le chapitre couvre une dizaine de pages.
Il aborde les thèmes suivants :
A) la polonité de Chopin, objet de débat
B) « des hypothèses invérifiables et des
faux » : l’affaire de la correspondance Chopin-Delphine
Potocka ; la question des origines de Nicolas Chopin ;
C) le problème du départ de Nicolas pour la Pologne et de ses
liens ultérieurs avec sa famille de Lorraine ; le degré de son assimilation
en Pologne
D) le sentiment national de Chopin : son nationalisme
polonais ; le nationalisme prophétique de Mickiewicz ; l’exil de
Chopin et le sentiment nostalgique de la patrie ; sa relation aux sources
folkloriques et l’élargissement à la poésie universelle ; son refus des
consignes politiques ; ses relations avec le milieu des exilés polonais de Paris
E) la relation de Chopin avec la France ; sa double
appartenance.
L’idée d’ensemble n’est pas très facile à saisir : il
semble que Bourniquel veuille dire « Chopin est polonais et patriote
polonais, mais sa musique atteint une dimension universelle, et la France a
joué un rôle important dans sa biographie ». Mais cette idée assez raisonnable (ou banale) se dégage après qu'il a fait subir au lecteur un long passage marqué par une
rhétorique dénigrant « la thèse de la polonité ».
Bourniquel commence en quelque sorte par discréditer une
idée à laquelle il redonne ensuite sa valeur.
Dans les parties A et B, en effet, il semble que l’idée (pas
vraiment banale) soit : « ceux qui disent que Chopin est polonais
sont des faussaires ou des affabulateurs » ; elle n’est pas
explicite, mais véhiculée par des formules à la fois ampoulées et peu précises,
grâce auxquelles Bourniquel donne une vision quasi complotiste de
l’historiographie de Chopin.
Le point C est traité de façon plus raisonnable, toujours
avec un biais « anti-polonais », bien que la conclusion soit que
Nicolas Chopin « a accepté son exil ».
La suite du chapitre est dans l’ensemble convenable (même si
on n’adhére pas à tous ses énoncés).
La rhétorique du complot et du mystère
On notera l’emploi répété des indéfinis « on »,
« certains », « tout le monde », qui facilitent la tâche de l’auteur en lui épargnant d’avoir
à fournir des références pour désigner un adversaire anonyme prêt à toutes
sortes de vilenies (« hypothèses invérifiables », « faire
regagner des points », « apocryphes », « supercherie »,
« lutte livrée en coulisse », « filière », « assertion
indéfendable ») : tout cela cherchant à faire des origines de Chopin
un « mystère » que Camille Bourniquel se fait fort de résoudre
(« Revenons aux faits. » : « Nicolas est de souche lorraine
paysanne, né dans un village des Vosges au pied de la montagne de Sion, la
« Colline Inspirée » de Barrès »), au moins en partie (« le
mystère s’épaissit », « quelque tortueuse affaire de famille bien
dans la tradition provinciale, et sur laquelle tout le monde a préféré faire
silence »).
Dans l’ensemble, on se trouve dans la sphère du non
vérifiable (ou du « non falsifiable » ?) ; le seul élément précis
est l’attaque contre le livre de « C. Wierzynski, Vie de Chopin, Laffont, 1955 », qui aurait utilisé une fausse
correspondance entre Chopin et Delphine Potocka [point qui mériterait d’être
étudié en détail] ; on remarque que les assertions de Wierzynski ont été
« renvoyés depuis aux ténèbres extérieures par l’Institut Chopin de
Varsovie et Bronislaw Sydow », ce qui permet de constater que les Polonais
ne sont pas tous des faussaires.
Les origines de Nicolas Chopin
En ce qui concerne l’argumentation sur les origines de
Nicolas Chopin (page 18), on peut la décomposer et l’analyser posément :
1) « On parla d’abord d’une famille huguenote :
les Chopin d’Arnouville dont un membre se serait réfugié en Pologne après la
révocation de l’Edit (1685). Filière aussitôt abandonnée. »
Cette hypothèse n’est pas vraiment en faveur de la
« polonité » de Chopin, puisqu’elle suppose l’ascendance française de
Nicolas. Elle a été proposée par un auteur français, peut-être Amédée de Méreaux, en décembre 1849 dans le Journal de Rouen (voir page
spécifique) ; je ne sais pas si des Polonais l’avaient envisagé auparavant.
En tout cas, même fausse, elle n’a rien ni d’absurde, ni de déshonorant.
2) « Les Chopin étaient-ils originaires des
Vosges ? On suscitait un ancêtre polonais, un certain Szop, qui aurait
suivi Stanislas Leczinski lorsque
celui-ci vint en Lorraine. »
L’hypothèse Szop datant du XIXème siècle, elle se rattache à
l’idée de l’origine lorraine de Nicolas Chopin (c’est-à-dire à l’idée
généralement promue par l’intéressé, supposé « né à Nancy »), et non
pas à une origine « vosgienne », qui n’est apparue que dans les années
1920, avec la découverte de l’acte de baptême de Nicolas Chopin.
La phrase citée ci-dessus est donc dépourvue de toute
cohérence historiographique.
3) « Quand l’ascendance française parut certaine, on
découvrit alors que le château de Marainville appartenait à un comte
polonais ; que celui-ci, ou son régisseur, ayant porté de l’intérêt à
l’éducation de Nicolas Chopin – études secondaires à Nancy ? –la mère du
garçon pourrait bien ne pas avoir été sans reproche. »
Bourniquel se réfère (peut-être) à des écrits postérieurs à
la découverte (1926) de l’acte de naissance de Nicolas. Mais, là encore,
absence de référence sur une insinuation d’adultère, dont on peut se demander
qui l'a jamais expressément proférée.
Des énoncés littéraires plutôt qu’historiques
A côté de cette polémique oiseuse contre un adversaire plus
ou moins imaginaire, Bourniquel ne se prémunit pas contre des énoncés tout à
fait critiquables, car présentés comme des faits évidents, en l’absence de
toute référence :
a) « nous le retrouvons à Varsovie comptable dans une
manufacture de tabac dirigée par un Français »
b) « à la mort du père, l’héritage assez important n’a
été partagé qu’entre les deux sœurs restées à Marainville »
c) « Nicolas avait échappé en France aux événements et
à la conscription »
d) « La Manufacture ayant fermé ses portes, il songe
tout naturellement à rentrer en France. Il retient même sa place dans la
diligence, mais une crise d’asthme l’empêche de partir.
Le soulèvement de 1794 chasse les Russes de Varsovie et le
jeune Français pris au jeu s’engage dans la milice où il devient même officier.
Les Russes reprennent Varsovie. Massacre et troisième partage (1795). Une
nouvelle fois Nicolas veut rentrer en France, une nouvelle fois la maladie l’en
empêche à la veille du départ ».
L'auteur se contente de reprendre des biographies antérieures,
sans même les mentionner.
A suivre
*L'édition de 1994 : des changements importants
ont lieu dans la nouvelle édition, principalement dans les parties A et B que j’ai
critiquées ci-dessus.
Création : 12 août 2013
Mise à jour : 13 avril 2014
Révision : 20 août 2017
Auteur
: Jacques Richard
Blog :
Sur Frédéric Chopin Questions historiques et biographiques
Page : 93 Camille Bourniquel 2 Chopin (1957) : étude du chapitre Nationalités
Lien : http://surfredericchopin.blogspot.fr/2013/08/bourniquel-2-chopin-1957-chapitre-2.html
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