Etude des citations de la presse polonaise concernant Chopin
dans les premières années de sa carrière
Classement : questions biographiques ; documents ; Chopin
Ceci est la suite de la page Chopin
dans la presse polonaise (1818-1830), dans laquelle j’ai reproduit des
articles ou passages d’articles concernant Chopin. Une page spécifique est
consacrée aux désignations
de Chopin dans ces articles.
Occurrences
Nombre de publications citées : 7
Nombre de numéros : 27
Dont
Kurier Warszawski : 18
Powszechny Dziennik : 3
Gazeta Polska : 2
Répartition par années
1818 : 2
1823 : 1
1824 : 1
1825 : 4
1826 : 1
1828 : 1
1829 : 4
1830 : 13
TOTAL 27
Auteurs des articles
24 articles sont anonymes, trois sont signés :
« W. », « L.C. » et « J.C. » (Joseph Cichocki).
Répartition par sujet
Mentions de Chopin dans un cadre général : 3
*6 octobre 1818 : cadeau de Chopin à la tsarine mère (partitions musicales)
*28 mai 1825 : cadeau du tsar à diverses personnalités
polonaises, dont Chopin (bague)
*9 août 1824 : palmarès scolaire
*9 août 1824 : palmarès scolaire
Annonces de la parution d’œuvres de Chopin : 2
*2 juin 1825 : Rondeau
en ut mineur (Opus 1)
*28 février 1828 : Rondeau à
la mazure
Annonces de concert : 4
Comptes rendus de concert :16
Mentions de Chopin en raison de sa notoriété : 2
*17 avril 1830 : sonnet de Léon Ulrich
*3 novembre 1830 : le départ de Varsovie de Chopin ;
texte de la Cantate d’Elsner
Informations fournies
On a affaire (comme en France à la même époque) à une presse
faiblement pipeulisée : les articles fournissent très peu d’indications
personnelles sur les personnes qu’ils évoquent, notamment sur Chopin.
Indications personnelles sur Chopin
*son âge : la notion de jeunesse de Chopin est
fréquemment évoquée (21 mentions), mais son âge n’est évoqué avec précision qu’à deux reprises :
**6 octobre 1818 : « un garçon âgé de 9 ans »
**26 février 1826 : « M.
Chopin ne [paraît même pas] avoir 15 ans »
Commentaire
La première mention le fait donc naître en 1809, à moins qu'il s'agisse d'un arrondi (Chopin a alors 8 ans et 7 mois)
Commentaire
La première mention le fait donc naître en 1809, à moins qu'il s'agisse d'un arrondi (Chopin a alors 8 ans et 7 mois)
*ses parents : le père de Chopin est mentionné deux
fois, sur le plan professionel, sans que son prénom soit donné, ni son origine
française :
**6 octobre 1818 : « fils d’un Professeur du Lycée »
**30 août 1829 :
« fils d’un professeur de notre université »
Rhétorique de
l’éloge
Formules type
« [ses chants ont] charmé les
auditeurs » (1830, PPP)
« la soirée s’est
déroulée à la satisfaction des 170 Auditeurs présents », « des
applaudissements mérités » (11 juin 1825)
« il a été
accueilli par la satisfaction générale ; après chaque morceau, des
applaudissements nourris ont été répétés » (29 et 30 août 1829)
Virtuose
« nous n’avions pas jusqu’ici entendu un virtuose qui, aussi jeune, ait surmonté des difficultés étonnantes avec simplicité et justesse » (26 février 1823)
« le jeune Virtuose » ; « Le jeune Szopę surpasse tous les pianistes que nous avons entendus ici. C’est le Paganini du Piano, ses compositions sont sublimes, pleines de choses nouvelles. » (5 mars 1830)
« les connaisseurs égalent [son] talent à celui des Virtuoses de premier plan » (8 mars 1830)
« le Virtuose a été accueilli par des applaudissements nourris »(23 mars 1830)
« les auditeurs dans les fauteuils et à l’orchestre entendaient le jeu du virtuose lui-même, mais ne pouvaient pas entendre celui de […] l’orchestre » (25 mars 1830)
« notre Virtuose, M. Fréd. Szopę » (23 septembre 1830)
« l’Auteur et Virtuose, accueilli par des applaudissements nourris » (12 octobre 1830)
« le Virtuose et Compositeur musical Frédéric Szopę (Chopin) » (3 novembre 1830)
Talent
Talent
« la Monarque,
ayant loué le talent si précoce du jeune garçon » (6 octobre 1818)
« un talent, qui
tant par sa perfection que parce que nous le rencontrons à un tel degré chez
quelqu’un d’aussi jeune, suscite l’étonnement général et est digne de notre
attention » (26 février 1823)
« Monsieur Frédéric
Chopin, élève du Lycée, dont le talent pour jouer du Piano »
(28 mai 1825)
« Ce jeune homme
s’est fait entendre de nombreuses fois au piano à Varsovie, et a toujours
obtenu les éloges les plus méritées pour son talent. » (22 août 1826)
« Un jeune
Varsovien, M. Szopę (Chopin), a montré son talent le 10 de ce
mois à Vienne » (29
août 1829)
« Monsieur Chopin
[…] s’est produit avec son talent [habituel] à Vienne le 10 de ce mois »
(30 août 1829)
« le talent de M. Chopin (Szopę) a beaucoup fait pour son illustration »
(23 décembre 1829)
« un connaisseur
de musique a attiré mon attention sur un jeune talent, qui en ce qui concerne
la composition était jusqu’à maintenant caché, sur le talent de Monsieur
Chopin, connu jusqu’ici seulement comme un excellent pianiste » (4 mars
1830)
« Il y a ici un
talent, un talent manifeste, réel » (4 mars 1830)
« les
connaisseurs égalent [son] talent à celui des Virtuoses de premier plan »
(8 mars 1830)
« le talent
génial de [sa] composition » (1830, PPP)
« son talent
magistral » (23 mars 1830)
« L’originalité
et la grâce de la pensée, la richesse de l’imagination, le talent dans
l’instrumentation, l’exécution magistrale » (24 septembre 1830)
Génie
« les œuvres de
Monsieur Chopin portent sans contestation la marque d’un grand génie » (23
décembre 1829)
« l’esprit
créatif du jeune compositeur allait par le chemin du génie » (4
mars 1830)
« le talent
génial de [sa] composition » (1830, PPP)
« Ceci est l’œuvre d’un génie » « le génie de Szopę lui assure une gloire
exceptionnelle et durable » (24 septembre 1830)
Commentaires
Les dernières citations montrent que Chopin a été qualifié comme un « génie » en Pologne, plus d’un an avant que Robert Schumann l’écrive en 1831, avec, évidemment, un public plus large et une autorité plus grande que les chroniqueurs musicaux de Varsovie.
Les dernières citations montrent que Chopin a été qualifié comme un « génie » en Pologne, plus d’un an avant que Robert Schumann l’écrive en 1831, avec, évidemment, un public plus large et une autorité plus grande que les chroniqueurs musicaux de Varsovie.
D’une façon plus générale, il apparaît clairement
que Chopin a été reconnu en premier lieu en Pologne, de façon quasi unanime.
Un point intéressant est la mise en relation, dès 1823 (Kuryer dla Płci Pięknéj, 26 février) du talent de Chopin (à Varsovie) avec celui de Liszt (à Vienne) : « un jeune amateur du nom de List, a étonné tout le monde par la perfection du jeu, l’assurance et la puissance du ton avec lesquelles il a joué le Concerto de Hummel », mais « notre capitale possède son égal et peut-être son supérieur en la personne […] du jeune M. Chopin ».
L’article du 4 mars 1830 (signé L. C.) se réfère à d’autres personnalités : « Il me semblait voir dans ses pensées originales la profondeur de Beethoven, et dans leur restitution l’art et l’agrément de Hummel »
Quelques critiques
« il a été
accueilli avec faveur, mais la Gazette théâtrale dit que chez Monsieur Chopin
prévaut manifestement [l’effort pour plaire sur l’effort pour faire de la
musique ?] » (16 septembre 1829)
« il est par
conséquent souhaitable que M. Chopin, voulant mieux donner à connaitre ses
œuvres à ses concitoyens, daigne donner quelques concerts dans des salles plus petites » (25
mars 1830)
Rhétorique de la nation polonaise
« Monsieur
Chopin, notre compatriote (ziomek), a
donné un second concert à Vienne » (16 septembre 1829)
« Reçu avec
enthousiasme à l’étranger, notre Compatriote (rodak) ne s’était pas jusqu’ici fait entendre en public dans sa
Patrie. La modestie, quoique la plus belle qualité du talent, est [moins
digne de gloire vue d’ici ??]. Est-ce que le talent de M. Chopin
n’appartient pas à sa patrie ? La Pologne ne peut-elle pas légitimement
lui accorder son estime ? » (23 décembre 1829)
« Le destin a
gratifié les Polonais de Monsieur Chopin, comme les Allemands de Mozart ;
M. Chopin est presque notre propriété, par conséquent il convient qu’en
premier lieu nous prenions mieux connaissance de ses œuvres » (Joseph
Cichocki, 25 mars 1830)
« une nouvelle
agréable aux amis de la musique et des talents nationaux » (24 septembre
1830)
« Bientôt, sans doute avant le délai d’un mois,
il doit partir à l’étranger. L’affection de ses compatriotes (ziomki) l’accompagnera partout. Ayons
l’espoir qu’aucune capitale étrangère ne le retiendra pour toujours, que
couvert d’une gloire nouvelle, il rentrera dans le sein de sa famille, dans la
ville de sa famille, pour se consacrer à la gloire de l’opéra polonais, qui
peut attacher à son nom de si grands espoirs. » (24 septembre 1830)
« Notre
Compatriote (rodak), le Virtuose et
Compositeur musical Frédéric Szopę (Chopin) est parti hier de Varsovie pour
une visite des pays étrangers » (3 novembre 1830)
Le texte de la cantate d’adieu relève aussi largement de ce
thème.
Commentaire
Le fait de ne jamais indiquer que Nicolas Chopin est né en France peut être interprété comme une « occultation », mais il est aussi possible que les auteurs de ces articles ne l'aient tout simplement pas su, ou (le nom Chopin étant remarqué
comme d'origine française) qu'ils aient considéré cela comme sans intérêt.
En fait, compte tenu de l'étroitesse du corpus sur ce thème, il n'est pas très concluant ; on peut sélectionner quelques citations pour apporter la « preuve » d'une volonté d'appropriation :
« Est-ce que le talent de M. Chopin n’appartient pas à sa patrie ? »
« M. Chopin est presque notre propriété »
« [rentrer] pour se consacrer à la gloire de l’opéra polonais ».
La deuxième citation étant légèrement ironique, comme l'indique le « presque » (et le contexte d'ensemble de l'article de Cichocki), ce n'est pas vraiment significatif.
On peut dire que pour ceux qui ont écrit ces articles, en 1829-1830,
1) Frédéric Chopin est polonais (la question ne se pose même pas) ;
2) ils craignent qu'éventuellement, se trouvant dans des lieux plus prestigieux que Varsovie, il oublie la Pologne ;
3) mais c'est plutôt à Vienne ou Berlin qu'ils pensent qu'à Paris.
Il faudrait étudier ce thème dans la presse polonaise durant la période où Chopin vit en France pour voir s'il y a eu une évolution, en tenant compte du fait que les circonstances historiques sont radicalement différentes à partir de 1831, les circonstances mêmes qui ont amené Chopin à ne pas revenir en Pologne.
Commentaire
Le fait de ne jamais indiquer que Nicolas Chopin est né en France peut être interprété comme une « occultation », mais il est aussi possible que les auteurs de ces articles ne l'aient tout simplement pas su, ou (le nom Chopin étant remarqué
comme d'origine française) qu'ils aient considéré cela comme sans intérêt.
En fait, compte tenu de l'étroitesse du corpus sur ce thème, il n'est pas très concluant ; on peut sélectionner quelques citations pour apporter la « preuve » d'une volonté d'appropriation :
« Est-ce que le talent de M. Chopin n’appartient pas à sa patrie ? »
« M. Chopin est presque notre propriété »
« [rentrer] pour se consacrer à la gloire de l’opéra polonais ».
La deuxième citation étant légèrement ironique, comme l'indique le « presque » (et le contexte d'ensemble de l'article de Cichocki), ce n'est pas vraiment significatif.
On peut dire que pour ceux qui ont écrit ces articles, en 1829-1830,
1) Frédéric Chopin est polonais (la question ne se pose même pas) ;
2) ils craignent qu'éventuellement, se trouvant dans des lieux plus prestigieux que Varsovie, il oublie la Pologne ;
3) mais c'est plutôt à Vienne ou Berlin qu'ils pensent qu'à Paris.
Il faudrait étudier ce thème dans la presse polonaise durant la période où Chopin vit en France pour voir s'il y a eu une évolution, en tenant compte du fait que les circonstances historiques sont radicalement différentes à partir de 1831, les circonstances mêmes qui ont amené Chopin à ne pas revenir en Pologne.
Création : 17 octobre 2013
Mise à jour : 27 octobre 2014
Révision : 4 août 2017
Auteur
: Jacques Richard
Blog :
Sur Frédéric Chopin Questions historiques et biographiques
Page : 117 Chopin dans la presse polonaise 3 : étude des citations
Lien : http://surfredericchopin.blogspot.fr/2013/10/chopin-presse-polonaise-2-etude.html
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