mercredi 16 avril 2014

166. Les lettres à Delphine Potocka

Quelques informations sur l’affaire des lettres apocryphes de Chopin à Delphine Potocka


Classement : biographie de Frédéric Chopin ; historiographie




Historiographie
Camille Bourniquel
Dans son livre sur Chopin [édition de 1957, page 17 ; avec quelques modifications mineures, édition de 1994, page 19] Camille Bourniquel mentionne « la correspondance intime entre Chopin et la belle comtesse Potocka, produite il y a quelques années. Correspondance que Casimir Wierzynski cite d’abondance dans son ouvrage (1), préfacé par Arthur Rubinstein, traduit tout récemment en français, et dont le but évident est, en laissant croire à une liaison prolongée entre Chopin et l’« enchanteresse », de faire regagner des points à la thèse de la polonité. Il ne s’agissait là que d’apocryphes*, renvoyés depuis aux ténèbres extérieures par l’Institut Chopin de Varsovie et Bronislaw Sydow. L’importance de la supercherie peut donner quelque idée de la lutte livrée en coulisse.
(1) C. Wierzynski, Vie de Chopin, Laffont, 1955 » 

Marie-Paule Rambeau
Dans Chopin L’enchanteur autoritaire (L’Harmattan, 2005), elle donne de cette affaire un aperçu plus conséquent (pages 379 et 380) :
« En 1945, Radio-Poznań diffusa de larges extraits de lettres inédites de Chopin à Delfina Potocka, en possession d’une certaine Paulina Czernicka qui affirmait les tenir des descendants de Delfina. Ce fut un fameux « scoop ». A mesure que Mme Czernicka produisait d’autres lettres, on découvrait soudain un Chopin inconnu, insoupçonné : intarissable sur sa création musicale, dissertant sur des questions (p. 380) d’esthétique, éreintant ses contemporains avec fatuité et, révélation inespérée, se répandant en commentaires salés sur sa vie sexuelle. Il fallut des années et les rebondissements d’une histoire rocambolesque (70) qui mit à l’épreuve de la crédulité tous les musicologues chopéniens, pour prouver que Paulina Czernicka avait confectionné avec habileté des lettres apocryphes qui compilaient la correspondance de Chopin et celle de Krasiński, sauf à commettre quelques anachronismes qui la trahirent. Un sentiment passionné pour Chopin, cultivé depuis l’adolescence dans la démesure, avait trouvé sa concrétisation dans ce dédoublement névrotique ; car Paulina Czernicka n’était pas un banal faussaire : l’écriture mimétique s’appropriait la personnalité de Chopin pour mettre à jour des fantasmes lié à l’insatisfaction de cette passion (71). Hélas entre temps était parue la biographie de Kazimierz Wierzyński (1949) qui utilisait ces prétendues lettres pour camper un personnage de « mâle vigoureux, d’une franchise rabelaisienne », que le poète polonais préférait évidemment à la créature efféminée aimée des jeunes filles. C’est ainsi qu’encore aujourd'hui circulent des fragments de ces lettres apocryphes imprudemment empruntés à cet ouvrage : c’est le cas de l’éloge de Scarlatti souvent cité et aussi peu authentique que le reste.
Notes (page 406)
(70) L’ouvrage de référence sur la question est celui de J. M. Smotter, Spor o « listy » Chopina do Delfiny Potockiej, PWM, (1976)
(71) Nous citerons le passage au passage auquel on fait référence en permanence mais sans jamais le citer, faute de se référer au texte polonais : « Je sais que tu aimes ma breloque et mes couilles, mais après cette dissertation tu dois les respecter car non seulement elles nous donnent du plaisir, mais encore elles sont la source d’inspiration de mes œuvres. Le plaisir suprême, la création d’un être humain, la science, l’art, tout cela ne fait qu’un et donc vive la toute puissante breloque ! Ah, Findelka, Findelka, comme je soupire après toi, beaucoup, terriblement ! Un frisson me saisit en ce moment, des fourmis me courent des reins jusqu’à la cervelle et ma breloque durcit à ton souvenir, comme un pieu dans une clôture » (Smotter, p. 188) »

Adam Zamoyski
Dans sa biographie de Chopin (page Adam Zamoyski biographe de Chopin) de 1979, Adam Zamoyski présente un dossier beaucoup plus conséquent sur cette affaire. 
Voir la page Adam Zamoyski et les lettres de Chopin à Delphine Potocka.



Création : 16 avril 2014
Mise à jour : 3 avril 2018
Révision : 19 janvier 2018
Auteur : Jacques Richard
Blog : Sur Frédéric Chopin Questions historiques et biographiques
Page : 166. Les lettres à Delphine Potocka
Lien : http://surfredericchopin.blogspot.fr/2014/04/166-les-lettres-delphine-potocka.html










4 commentaires:

  1. Quelle preuve a-t'on du caractère apocryphe de ces lettres ?
    Dispose-t-on d'expertises sérieuses ?
    J'ai cru lire que les seules expertise scientifiques réalisées n'avaient pas permis de trancher.
    Ne serait-il pas plus plausible que les Polonais, très puritains, n'aient écarté ces lettres qui avaient un caractère légèrement pornographique ?
    Pourquoi ne sont-elles pas accessibles pour que chacun se fasse une idée personnelle ????
    Avez-vous une réponse à cela ?
    Car enfin il est évident qu'une relation physique a pu exister entre Delphine Potocka et Chopin... Et qu'il est même probable que ce soit la seule relation pornographique que Chopin ait vécue...

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    1. Bonjour.
      Je n'ai aucune opinion personnelle. Je me borne à retranscrire des écrits référencés. Vous en trouverez un autre en page 315 : Adam Zamoyski et les lettres de Chopin à Delphine Potocka (http://surfredericchopin.blogspot.fr/2018/01/adam-zamoyski-et-les-lettres-de-chopin.html).
      Adam Zamoyski donne de nombreux détails qui corroborent l'idée d'un faux.
      Cela dit, chacun est libre de croire à une "relation pornographique" et à une "censure" due au "puritanisme" des Polonais.

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    2. Ce n'est pas que je veuille y croire, mais que je me garde de ne pas y croire si leur caractère apocryphe a été dicté par la censure d'un pays puritain à outrance et dont Chopin est finalement le seul génie universel...

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