jeudi 13 avril 2017

287 L'appel du Comité national polonais au peuple russe (1832)

Le texte de l’appel au peuple russe du Comité national polonais (publié en polonais sous le titre Komitet Narodowy Polski do ludu Rosyiskiego)


Classement : histoire ; Pologne ; Russie ; réfugiés polonais ; Comité national polonais




Troisième partie : La nationalité de Frédéric Chopin, notamment :



Ceci est un complément à la page Le Comité national polonais (1831) dans laquelle je présente cet organisme de l’émigration polonaise, fondé en décembre 1831 et dissous en décembre 1832.

Circonstances de l’appel
Celui-ci est lancé à l’occasion du septième anniversaire du soulèvement des Décembristes de 1825. Il est diffusé au sein des troupes russes qui occupent alors le royaume de Pologne. 
Suite à des pressions du gouvernement russe, le gouvernement français exerce des représailles contre les dirigeants du Comité, qui sont expulsés de Paris en province ; le Comité n'est dès lors plus en mesure de poursuivre son action et va disparaître.

Source
Le texte de l’appel est reproduit (dans une traduction française) en fac-similé et transcription sur le site Bibliothèque numérique de Lyon (lien).

L’appel fait ici partie d’un article du journal libéral Le Précurseur, n° 1872 (4 janvier 1833), pages 1 et 2. Son texte est introduit de la façon suivante :
« Nous avons déjà entretenu le public des persécutions inhumaines dont le comité national polonais vient d'être l'objet, et que nos ministres n'ont pas su refuser aux exigences de la Russie. Mais c'est peu d'avoir obligé les membres de ce comité à se séparer et à quitter la capitale ; si nous sommes bien informés, on leur interdit, à ces privilégiés de la persécution, tout séjour sur aucun point de nos frontières ou dans les déparlemens de l'est et de l'ouest, et même l'entrée de nos trois grandes villes, Lyon , Marseille et Bordeaux; surtout on leur défend de se rapprocher d'aucun des dépôts polonais, et en même temps on exige qu'ils se tiennent, à soixante lieues de Paris.
La cause de celle nouvelle mesure contre le comité polonais est une proclamation adressée au peuple russe et qui a été répandue par milliers dans l'armée stationnée en Pologne.
Nous en reproduisons les passages les plus frappans. »

Texte
Je propose ci-dessous une version corrigée de la transcription (correction de l’OCR ; l’orthographe d’origine est conservée).

« LE COMITÉ NATIONAL POLONAIS AU PEUPLE RUSSE.
Russes, nos frères,
Nous vous appelons frères, parce que vous êtes, comme nous, enfans de la grande famille slave ; comme nous, vous nourrissez ce désir de la liberté qui tourmente tous les peuples.
Nous ne vous rappellerons pas ces beaux jours où les villes et les peuples slaves jouissaient de leurs franchises, qu'étouffèrent la politique des colons établis sur les bords de la Kliazma et les tzars de la Moskovie ; nous ne redirons pas combien de fois les Polonais voulurent élever vos tzars sur leur trône électif, afin d'étendre sur toutes les populations slaves le domaine de la liberté florissante chez eux ; ni les projets des Sapiéha, pour former une union de votre empire avec notre république, et abattre le despotisme sous cette union fraternelle. Tous ces souvenirs appartiennent à l'histoire et se rapportent à une époque reculée que l'absolutisme ne permet pas à vos historiens de retracer fidèlement.
Il existe une alliance naturelle entre tous les peuples qui veulent conquérir leur liberté. Si vous aspirez à recouvrer la vôtre, les Russes et les Polonais sont liés par une fraternité nouvelle. Elle se manifestait ouvertement lorsque, il y a sept ans, les patriotes des deux nations, que le même but et les mêmes principes avaient rapprochés, s'efforcèrent de développer, sur les bords de la Néva, la grande idée de la fédération des peuples slaves. C'est de cette époque que datent de mutuelles et impérissables sympathies . . . .
Enfans de la Russie ! vos souvenirs nationaux vous sont chers ; c'est sur votre sol que jadis régna la Prawda Ruska, née sous l'influence de la législation Scandinave; elle fondait les principes de la liberté et limitait le pouvoir des kniaz ; car telles furent les antiques lois des Slaves, peuples amis de la liberté.
Maintenant quel est votre sort ? où sont vos lois, vos garanties ? Vous gémissez sous le joug odieux de l'arbitraire et de la rapacité de vos magistrats. En vain vos concitoyens les plus distingués ont élevé leur voix pour réclamer les droits qu'on vous dénie. Elle ne fut pas écoutée, et ceux qui réclamèrent avec le plus de hardiesse sont devenus victimes de brutales violences ; chargés de fers, ils furent relégués au fond de la Sibérie.
Votre autocrate se sert aussi de vous ; mais ce n'est que pour satisfaire son ambition, consolider son injuste puissance et river les fers des nations. C'est pour atteindre ce but qu'il vous entraîne à des guerres continuelles ; c'est pour vous empêcher de méditer sur les droits éternels des hommes et des peuples, pour vous étourdir par le bruit des combats, vous éblouir par l'éclat des décorations militaires ; c'est pour dévorer avant le temps cette brave jeunesse russe, l'élite de la nation, qui recèle dans son sein tous les sentimens généreux et l'instinct puissant de la liberté, dont il redoute le développement.
Après tant de combats livrés aux Perses, aux Turcs, aux Polonais, avez-vous retiré quelques fruits, quelque gloire de vos triomphes ? Non, car le sang des hommes ne se paie pas par un accroissement de territoire, ni au poids de l'or arraché à l'ennemi et chargé des malédictions d'un peuple souffrant.
Pour prix de vos exploits, l'Europe vous repousse, vous appelle barbares et vous marque du sceau de sa réprobation; car votre despote ne permet pas de vous placer au rang des peuples qui réclament leurs droits et leur liberté.
Vous en gémissez, et vos cœurs généreux s'indignent. L'Europe et l'humanité entière en gémissent avec vous. Il faut vous laver enfin de cet opprobre dont un tyran vous a couverts aux yeux de l'Europe. Après les trois dernières guerres que l'ambition avait suscitées, et qu'elle poursuivit avec tant d'acharnement, la Russie déplore la mort de ses enfans qui tombèrent sur les champs de bataille avec la douleur d'avoir combattu contre la liberté des autres peuples et pour affermir l'esclavage de leur patrie. Voilà la gloire qui vous revient. Les gémissemens et les malédictions retentissent dans cette triste contrée ; mais déjà le jour de la liberté y pénètre, il découvre les causes de tant de souffrances et éclaire les forfaits du despotisme. Bientôt la puissance irrésistible des peuples va le dompter et l'abattre. La raison touche à sa maturité, et le moment n'est pas éloigné où elle sonnera le tocsin d'alarme contre les oppresseurs. Oui, le moment est arrivé d'accomplir l'œuvre immense à laquelle une force occulte ne cesse de pousser les peuples.
Russes ! nos frères, vous prévoyez aussi ce moment. Votre esprit élevé sait apprécier la dignité de l'homme, et les sacrifices, et le dévoûment à la cause de l'humanité. Vous saurez apprécier les désastres des Polonais et leur courage. Vous êtes appelés à ce grand jour par la voix des peuples slaves, gémissant sous un joug impie, que les despotes allemands et votre autocrate se sont conjurés pour leur imposer.
Un Slave doit tendre à son frère opprimé une main secourable. La grande pensée de la fédération des peuples slaves révélée sur les bords de la Néva, ne pourra se réaliser que par leur commune régénération. Congédiez donc les étrangers: renversez le despotisme, élevez sur votre sol l'autel de la liberté à la place d'une infâme idole trop longtemps adorée ; ralliez autour de vous tous les peuples issus delà même origine, qui ne cessent d'appeler cette liberté de leurs vœux les plus ardens.
La nation polonaise avait conçu le même espoir, et, luttant contre le despotisme, elle croyait voir en vous ses alliés. Les Russes partageaient les mêmes sentimens; comprimés avec peine, ces sentimens éclataient en murmures, perçaient dans leurs regards voilés de larmes, el plus d'un cœur russe était rempli d'amertume et de désespoir.
Oui, nous avons eu des amis dans vos rangs et vous êtes nos frères. Au milieu des fureurs de la guerre et du retentissement des armes, la voix d'un peuple qui brisait ses fers ne pouvait pénétrer jusqu'à vous; cette vois, qui s'éleva en vain dans la glorieuse époque de notre affranchissement, aujourd'hui qu'elle éclate dans le morne silence d'un peuple couvert de deuil, frappera vos oreilles et retentira dans vos cœurs.
Voilà ce que les Polonais réfugiés veulent vous rappeler sans cesse, tandis qu'échappés à peine au glaive des bourreaux, ils errent dispersés sur la terre et présentent une triste leçon aux peuples désunis par des rivalités nationales.
Le président, J. Lelewel, les membres, V. Zwierkowski, L. Chozdko, A. Przeciszenski, A. Hluszniewiez, E. Rykaczewski, J. Zaliwski ; le secrétaire, V. Pietriewicz ; le trésorier, G.-E. Wodzinski. »

Notes
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Création : 13 avril 2017
Mise à jour :
Révision : 3 juillet 2017
Auteur : Jacques Richard
Blog : Sur Frédéric Chopin Questions historiques et biographiques
Page : 287 L'appel du Comité national polonais au peuple russe (1832)
Lien : http://surfredericchopin.blogspot.fr/2017/04/lappel-au-peuple-russe-du-comite.html








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