Le texte de l’appel au peuple
russe du Comité national polonais (publié en polonais sous le titre Komitet Narodowy Polski do ludu Rosyiskiego)
Classement : histoire ;
Pologne ; Russie ; réfugiés polonais ; Comité national polonais
Première partie : Aperçus historiques
(Pologne et relations franco-polonaises)
Deuxième partie : Frédéric Chopin,
questions biographiques
Troisième partie : La nationalité de
Frédéric Chopin, notamment :
Ceci est un complément à la page Le
Comité national polonais (1831) dans laquelle je présente cet organisme de
l’émigration polonaise, fondé en décembre 1831 et dissous en décembre 1832.
Circonstances de l’appel
Celui-ci est lancé à l’occasion du
septième anniversaire du soulèvement des Décembristes de 1825. Il est diffusé au sein des troupes russes qui occupent alors le royaume de Pologne.
Suite à des pressions du gouvernement russe, le gouvernement français exerce des représailles contre les dirigeants du Comité, qui sont expulsés de Paris en province ; le Comité n'est dès lors plus en mesure de poursuivre son action et va disparaître.
Suite à des pressions du gouvernement russe, le gouvernement français exerce des représailles contre les dirigeants du Comité, qui sont expulsés de Paris en province ; le Comité n'est dès lors plus en mesure de poursuivre son action et va disparaître.
Source
Le texte de l’appel est reproduit (dans une traduction française) en fac-similé et transcription sur le site Bibliothèque numérique de Lyon (lien).
L’appel fait ici partie d’un article du journal libéral Le Précurseur, n° 1872 (4 janvier 1833),
pages 1 et 2. Son texte est introduit de la façon suivante :
« Nous avons déjà entretenu
le public des persécutions inhumaines dont le comité national polonais vient
d'être l'objet, et que nos ministres n'ont pas su refuser aux exigences de la
Russie. Mais c'est peu d'avoir obligé les membres de ce comité à se séparer et
à quitter la capitale ; si nous sommes bien informés, on leur interdit, à ces
privilégiés de la persécution, tout séjour sur aucun point de nos frontières ou
dans les déparlemens de l'est et de l'ouest, et même l'entrée de nos trois
grandes villes, Lyon , Marseille et Bordeaux; surtout on leur défend de se
rapprocher d'aucun des dépôts polonais, et en même temps on exige qu'ils se
tiennent, à soixante lieues de Paris.
La cause de celle nouvelle mesure
contre le comité polonais est une proclamation adressée au peuple russe et qui
a été répandue par milliers dans l'armée stationnée en Pologne.
Nous en reproduisons les passages
les plus frappans. »
Texte
Je propose ci-dessous une version corrigée de la
transcription (correction de l’OCR ; l’orthographe d’origine est conservée).
« LE COMITÉ NATIONAL POLONAIS AU PEUPLE RUSSE.
Russes, nos frères,
Nous vous appelons frères, parce
que vous êtes, comme nous, enfans de la grande famille slave ; comme nous,
vous nourrissez ce désir de la liberté qui tourmente tous les peuples.
Nous ne vous rappellerons pas ces
beaux jours où les villes et les peuples slaves jouissaient de leurs
franchises, qu'étouffèrent la politique des colons établis sur les bords de la
Kliazma et les tzars de la Moskovie ; nous ne redirons pas combien de fois les
Polonais voulurent élever vos tzars sur leur trône électif, afin d'étendre sur
toutes les populations slaves le domaine de la liberté florissante chez eux ;
ni les projets des Sapiéha, pour former une union de votre empire avec notre
république, et abattre le despotisme sous cette union fraternelle. Tous ces
souvenirs appartiennent à l'histoire et se rapportent à une époque reculée que
l'absolutisme ne permet pas à vos historiens de retracer fidèlement.
Il existe une alliance naturelle
entre tous les peuples qui veulent conquérir leur liberté. Si vous aspirez à
recouvrer la vôtre, les Russes et les Polonais sont liés par une fraternité
nouvelle. Elle se manifestait ouvertement lorsque, il y a sept ans, les
patriotes des deux nations, que le même but et les mêmes principes avaient
rapprochés, s'efforcèrent de développer, sur les bords de la Néva, la grande
idée de la fédération des peuples slaves. C'est de cette époque que datent de
mutuelles et impérissables sympathies . . . .
Enfans de la Russie ! vos
souvenirs nationaux vous sont chers ; c'est sur votre sol que jadis régna la Prawda Ruska, née sous l'influence de la
législation Scandinave; elle fondait les principes de la liberté et limitait le
pouvoir des kniaz ; car telles furent les antiques lois des Slaves, peuples
amis de la liberté.
Maintenant quel est votre sort ?
où sont vos lois, vos garanties ? Vous gémissez sous le joug odieux de
l'arbitraire et de la rapacité de vos magistrats. En vain vos concitoyens les
plus distingués ont élevé leur voix pour réclamer les droits qu'on vous dénie.
Elle ne fut pas écoutée, et ceux qui réclamèrent avec le plus de hardiesse sont
devenus victimes de brutales violences ; chargés de fers, ils furent relégués
au fond de la Sibérie.
Votre autocrate se sert aussi de
vous ; mais ce n'est que pour satisfaire son ambition, consolider son injuste
puissance et river les fers des nations. C'est pour atteindre ce but qu'il vous
entraîne à des guerres continuelles ; c'est pour vous empêcher de méditer sur
les droits éternels des hommes et des peuples, pour vous étourdir par le bruit
des combats, vous éblouir par l'éclat des décorations militaires ; c'est pour
dévorer avant le temps cette brave jeunesse russe, l'élite de la nation, qui
recèle dans son sein tous les sentimens généreux et l'instinct puissant de la
liberté, dont il redoute le développement.
Après tant de combats livrés aux
Perses, aux Turcs, aux Polonais, avez-vous retiré quelques fruits, quelque
gloire de vos triomphes ? Non, car le sang des hommes ne se paie pas par un accroissement
de territoire, ni au poids de l'or arraché à l'ennemi et chargé des
malédictions d'un peuple souffrant.
Pour prix de vos exploits,
l'Europe vous repousse, vous appelle barbares et vous marque du sceau de sa
réprobation; car votre despote ne permet pas de vous placer au rang des peuples
qui réclament leurs droits et leur liberté.
Vous en gémissez, et vos cœurs
généreux s'indignent. L'Europe et l'humanité entière en gémissent avec vous. Il
faut vous laver enfin de cet opprobre dont un tyran vous a couverts aux yeux de
l'Europe. Après les trois dernières guerres que l'ambition avait suscitées, et
qu'elle poursuivit avec tant d'acharnement, la Russie déplore la mort de ses
enfans qui tombèrent sur les champs de bataille avec la douleur d'avoir combattu
contre la liberté des autres peuples et pour affermir l'esclavage de leur
patrie. Voilà la gloire qui vous revient. Les gémissemens et les malédictions
retentissent dans cette triste contrée ; mais déjà le jour de la liberté y
pénètre, il découvre les causes de tant de souffrances et éclaire les forfaits
du despotisme. Bientôt la puissance irrésistible des peuples va le dompter et
l'abattre. La raison touche à sa maturité, et le moment n'est pas éloigné où
elle sonnera le tocsin d'alarme contre les oppresseurs. Oui, le moment est
arrivé d'accomplir l'œuvre immense à laquelle une force occulte ne cesse de
pousser les peuples.
Russes ! nos frères, vous
prévoyez aussi ce moment. Votre esprit élevé sait apprécier la dignité de
l'homme, et les sacrifices, et le dévoûment à la cause de l'humanité. Vous
saurez apprécier les désastres des Polonais et leur courage. Vous êtes appelés
à ce grand jour par la voix des peuples slaves, gémissant sous un joug impie,
que les despotes allemands et votre autocrate se sont conjurés pour leur
imposer.
Un Slave doit tendre à son frère
opprimé une main secourable. La grande pensée de la fédération des peuples
slaves révélée sur les bords de la Néva, ne pourra se réaliser que par leur
commune régénération. Congédiez donc les étrangers: renversez le despotisme,
élevez sur votre sol l'autel de la liberté à la place d'une infâme idole trop
longtemps adorée ; ralliez autour de vous tous les peuples issus delà même
origine, qui ne cessent d'appeler cette liberté de leurs vœux les plus ardens.
La nation polonaise avait conçu
le même espoir, et, luttant contre le despotisme, elle croyait voir en vous ses
alliés. Les Russes partageaient les mêmes sentimens; comprimés avec peine, ces
sentimens éclataient en murmures, perçaient dans leurs regards voilés de
larmes, el plus d'un cœur russe était rempli d'amertume et de désespoir.
Oui, nous avons eu des amis dans
vos rangs et vous êtes nos frères. Au milieu des fureurs de la guerre et du
retentissement des armes, la voix d'un peuple qui brisait ses fers ne pouvait
pénétrer jusqu'à vous; cette vois, qui s'éleva en vain dans la glorieuse époque
de notre affranchissement, aujourd'hui qu'elle éclate dans le morne silence
d'un peuple couvert de deuil, frappera vos oreilles et retentira dans vos
cœurs.
Voilà ce que les Polonais
réfugiés veulent vous rappeler sans cesse, tandis qu'échappés à peine au glaive
des bourreaux, ils errent dispersés sur la terre et présentent une triste leçon
aux peuples désunis par des rivalités nationales.
Le président, J. Lelewel, les
membres, V. Zwierkowski, L. Chozdko, A. Przeciszenski, A. Hluszniewiez, E.
Rykaczewski, J. Zaliwski ; le secrétaire,
V. Pietriewicz ; le trésorier, G.-E.
Wodzinski. »
Notes
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Création : 13
avril 2017
Mise à jour :
Révision : 3 juillet 2017
Auteur : Jacques Richard
Blog : Sur Frédéric Chopin Questions historiques et biographiques
Page : 287 L'appel du Comité national polonais au
peuple russe (1832)
Lien : http://surfredericchopin.blogspot.fr/2017/04/lappel-au-peuple-russe-du-comite.html
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