Reproduction du débat sur la Pologne à la Chambre des
députés le 20 février 1833
Classement : histoire des relations franco-polonaises
Le texte de ce débat est reproduit dans le périodique Souvenirs
de la Pologne présenté par ailleurs (tome 1, pages 52 à 60).
On trouvera ci-dessous une version annotée du texte de cet ouvrage.
Présentation et commentaires à venir.
Le débat du 20 février a été précédé le 19 février, par des échanges reproduits sur une autre page.
Texte du débat
« Page 52
SITUATION DE LA CAUSE POLONAISE
(suite)
Séance du 20 février
M. Mauguin*. – Je ne veux pas
rappeler nos anciennes discussions sur la cause polonaise ; ce sont des
souvenirs que nous voulons tous éteindre. Mais ce à quoi vous devez faire
attention, c’est à l’état actuel de la Pologne.
D’après le traité de 1815*, la
Pologne avait une espèce d’indépendance ; elle avait une constitution, une
administration distincte, et la preuve que la Pologne n’était pas entièrement
dans l’obéissance russe, c’est qu’au moment où la Russie a voulu marcher sur
nous*, l’armée polonaise, compacte et réunie, s’est retournée et soulevée*
contre l’armée moscovite.
Maintenant, au contraire, la
Pologne n’existe plus ; elle est une partie du vaste empire russe, dans
lequel elle est entièrement fondue.
Je ne vous parle pas des plaintes
des malheureux Polonais ; certes, ici, tout le monde compatira à leurs
souffrances.
On nous a dit hier à cette
tribune, qu’on ne pouvait adresser au cabinet de Saint-Pétersbourg que quelques
représentations ; qu’on ne pouvait que faire parler l’humanité et la
justice : ce sont les expressions du ministre. Mais pourquoi ne
pourrait-on invoquer aussi les traités ? la Pologne, maintenant, est-elle
abandonnée par la France ? je ne vous dis pas de soutenir sa
révolution ; non, vous l’avez proscrite, condamnée, n’y revenez plus. Mais
est-ce que vous n’avez pas le droit de demander que les traités soient
exécutés ; que la Pologne recouvre et son administration distincte et sa
constitution (1) ? N’êtes-vous pas chargés, dans l’intérêt de la
Notes
*M. Mauguin :
François Mauguin (1785-1854), député de la Côte-d’Or de 1827 à 1851,
spécialiste à cette époque des questions de politique étrangère
*le traité de 1815 :
le traité de Vienne (voir la page Le
Congrès de Vienne et la Pologne)
*au moment où la
Russie a voulu marcher sur nous : la crainte d’une intervention russe
contre la Belgique est à l’origine du soulèvement polonais de novembre 1830
*l’armée polonaise
s’est soulevée : le 30 novembre 1830, un groupe d’élèves-officiers de
Varsovie force le grand-duc Constantin à s’enfuir, amenant l’élite
politique du royaume de Pologne (notamment la Diète et les officiers)
à se placer (plus ou moins) en opposition à la Russie.
(1) [Note de la rédaction] Nous concevons bien les
considérations qui, dans l’état actuel des choses, ont guidé nos illustres et
généreux défenseurs à borner leur appui en notre faveur, [51] aux clauses du
malheureux traité de Vienne, qui n’est toujours qu’une violation de nos droits
les plus sacrés ; mais s’il faut déjà revenir à cette déplorable
combinaison politique, nous désirerions qu’ils la rappelassent dans toute son
étendue, et surtout dans les garanties relatives non seulement au royaume
constitutionnel, mais encore aux institutions
nationales et représentatives* des provinces polonaises anciennement
incorporées à l’empire, et dans l’accomplissement desquelles les autres
autocrates restèrent en demeure depuis 1815. Le royaume constitutionnel ne
s’étend que sur quatre millions de Polonais, tandis que lesdites provinces en
contiennent huit ; et ce n’est que la jonction de ces deux portions de
l’ancienne république polonaise, sous l’empire des institutions représentatives et nationales, qui, selon l’avis de
Kosciuszko* lui-même consulté à ce sujet, offrait à la nationalité polonaise la
probabilité de pouvoir résister avec quelques succès aux empiétements de la
suprématie moscovite.
Notes
*institutions nationales et représentatives :
*Kosciuszko :
Thaddée Kosciuszko (Tadeusz Kościuszko,
1746-1817), militaire polonais, chef de l’insurrection de 1794 consécutive au
Deuxième partage de la Pologne
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France, de demander l’exécution
des traités ? Mais les traités dont je parle, ce sont ceux de 1815, ce
sont les conventions derrière lesquelles vous vous êtes si souvent
réfugiés ; vous ne pouvez pas en récuser l’autorité. Pourquoi donc la
Pologne est-elle une province russe ? les traités s’y opposent, et les traités
doivent être exécutés.
Il y a même, à cet égard, une
observation très grave à faire.
Dans l’état actuel de l’Europe,
toute puissance s’affaiblit de l’augmentation des forces acquises par une
autre. Ce principe est connu des cabinets de Vienne et de Berlin au moins aussi
bien qu’il peut l’être en France. Quand on a vu la révolution polonaise
étouffée, on a pu croire que la Russie et l’Autriche ne demandaient qu’à voir
finir un mouvement qui compromettait leurs provinces polonaises ; mais
lorsqu’on a vu la Prusse et l’Autriche consentir à ce que la Pologne fût
incorporée dans l’empire moscovite*, on a dû supposer des concessions faites à
ces puissances ; autrement la Prusse et l’Autriche n’avaient pas souffert
impunément un pareil accroissement de forces pour la Russie.
Aussi, dès la dernière session,
je vous ai signalé dans le Nord une triple alliance : je n’avais pas grand
mérite à le faire ; car il s’agit simplement de lire l’histoire, et l’on
voit que depuis le premier partage de la Pologne, l’Autriche, la Prusse et la
Russie ont été constamment alliées.
Notes
*consentir à ce que la Pologne fût incorporée dans l’empire moscovite : pas formellement, mais au moins du point de vue militaire : étant donné que l'armée polonaise est supprimée, le royaume de Pologne devient un élément du dispositif militaire russe
Notes
*consentir à ce que la Pologne fût incorporée dans l’empire moscovite : pas formellement, mais au moins du point de vue militaire : étant donné que l'armée polonaise est supprimée, le royaume de Pologne devient un élément du dispositif militaire russe
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Si donc l’Autriche et la Prusse
ont souffert que la Russie s’étendît, c’est que des conventions avaient été
faites, qui assuraient une indemnité à l’Autriche et à la Prusse.
M. Guizot*, ministre de l’instruction publique. – Je ferai seulement observer à
la Chambre qu’il n’est survenu dans l’état de l’Europe, depuis quinze ans, qu’un
seul grand changement matériel ; ce changement, c’est l’abolition du
royaume des Pays-Bas*.
Voix à droite et à gauche : Et l’abolition du royaume de
Pologne !
M. Guizot. – Quant à la Pologne,
puisque le nom en a encore été prononcé, et j’avoue que c’est à mon extrême
regret que je l’entends prononcer à la tribune, je dirai que la Pologne,
lorsqu’elle s’est soulevée, n’existait pas. (Rumeurs négatives aux extrémités*.)
Elle s’est soulevée pour tâcher d’exister ; mais auparavant la Pologne
n’existait pas comme nation s’appartenant à elle-même. (Bruits).
Si la Pologne eût eu son
existence indépendante, si elle eût formé un état séparé, se serait-elle
soulevée ? Evidemment c’est pour arriver à un état tout autre que celui
qu’elle avait, qu’elle s’est soulevée. Il est vrai qu’elle n’a pas
réussi ; il est vrai qu’avec un grand surcroît de douleur, d’infortune,
elle est retombée dans une situation à peu près semblable à celle dans laquelle
elle se trouvait. (Exclamations et murmures aux extrémités.)
Je répète qu’avec un grand
surcroît de malheur, de douleur, la Pologne est retombée dans un état à peu
près semblable… (Interruption des côtés extrêmes.)
Je voudrais autre chose que des
interruptions : je voudrais qu’on citât des faits ; qu’on vînt
expliquer exactement à cette tribune quel était l’état de la Pologne avant la
dernière insurrection.
Un membre à gauche – M.
Mauguin l’a expliqué.
M. Guizot. – Quant à moi, je n’ai
entendu, dans le discours que vient de prononcer M. Mauguin, rien qui montrât
que la Pologne était, il y a deux ans et demi, dans un état infiniment meilleur
que celui dans lequel elle se trouve aujourd'hui. Je suis obligé de faire
remarquer à la Chambre que je ne parle en aucune façon des souffrances
individuelles ; que je ne parle que de l’état politique du
Notes
*M. Guizot :
François Guizot
(1787-1874), ministre de l'Intérieur (août-novembre 1830) ; ministre
de l’Instruction publique (octobre 1832-février 1836)
*l’abolition du
royaume des Pays-Bas : en septembre 1830, la Belgique, unie aux
Pays-Bas depuis 1815, proclame son indépendance ; à proprement parler ce
n’est pas « l’abolition du royaume des Pays-Bas »
*aux extrémités : la cause polonaise était soutenue à la fois par l’opposition de gauche (libéraux) et de droite (légitimistes)
*aux extrémités : la cause polonaise était soutenue à la fois par l’opposition de gauche (libéraux) et de droite (légitimistes)
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pays ; que je parle de sa
constitution comme nation indépendante et forte. Je dis que cette indépendance,
cette constitution forte, la Pologne ne l’avait pas avant la dernière
insurrection ; qu’il n’est pas vrai qu’elle l’ait perdu, et que son état
soit politiquement changé autant que l’honorable membre l’a donné à entendre.
Je ne voulais tirer de cela
aucune autre conclusion, sinon que l’état matériel de l’Europe n’est pas changé
contre nous, changé à notre désavantage depuis 1830, comme l’honorable membre
vous le disait tout à l’heure.
M. Mauguin. – Le ministre qui
descend de cette tribune a dit : « Qu’ailleurs tous les événements ont
été à notre profit. » Il s’est trompé, et je le prouve en peu de mots. Je
mets de côté ses sentiments sur la situation de la nation polonaise ; je ne
doute pas qu’il ne partage nos impressions de douleur ; mais la situation
de la Pologne n’en est pas moins complètement changée.
D’après les traités de 1815, la
Pologne devait avoir une administration distincte. Le second paragraphe de
l’article premier du traité, porte que les Polonais, sujets respectifs de la
Prusse, de l’Autriche et de la Russie, obtiendront une représentation, des
institutions nationales. Où est cette représentation, où sont ces
institutions ? Faut-il donc dire à cette tribune que les ukases ont
proscrit les institutions polonaises ; que l’armée polonaise a été fondue
dans l’armée russe ; que la langue polonaise est proscrite des actes
publics ; qu’il n’existe pas même d’universités ; que les enfants de
la Pologne, dispersés en Sibérie, ne peuvent pas même réclamer de patrie ?
Certes c’est là un changement grave dans les traités de 1815, et c’est ce
changement que le gouvernement français ne pouvait tolérer ; il devait
réclamer ; il était dans son droit en réclamant l’exécution des traités.
M. Odillon-Barrot*. – Quoi !
il ne s’est pas opéré un changement sérieux en Pologne ? Eh !
Messieurs, je ne retracerai pas devant vous toutes les vicissitudes de la
Pologne ; je ne reproduirai pas tous les sentiments de sympathie qui nous
animent pour la cause de la Pologne ; mais je traiterai la question
diplomatiquement.
La Pologne, après des partages
successifs, fut définitivement
Notes
*M. Odillon-Barrot :
Odilon Barrot (1791-1873), à l’époque député du Bas-Rhin (1831-1834), siégeant
dans l’opposition de gauche
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attribuée, par les traités de
1814 et de 1815 à la Russie. Mais le fut-elle purement et simplement comme
province ? non, il fut formellement stipulé que la Pologne serait
rattachée à la Russie par sa constitution*. Ainsi la constitution était le seul
lien qui pût unir la Pologne à la Russie, qui [ne] peut* sans obstacle
s’emparer de ses trésors de ses hommes, pour quelque cause que ce soit ;
si, au contraire, la Pologne n’appartient à la Russie que par la constitution
qui veut que la Pologne s’appartienne à elle-même, qui veut que la Russie ne
puisse disposer de ses soldats, de ses trésors, qu’en vertu des lois émanées de
la représentation polonaise, quelle différence ! L’autocrate ne peut disposer
de la Pologne que pour une cause nationale pour la Pologne ; il est obligé
de consulter la représentation polonaise ; il est obligé de subir un veto,
une résistance légale.
M. le ministre de l’instruction
publique. – Vous n’avez pas lu les traités.
M. Odillon-Barrot. – Ainsi la
Pologne devait avoir une constitution ; elle devait être unie à la Russie
par une constitution, et cette constitution a été jurée par l’empereur. Quand
l’empereur la jura, il déclara que cette garantie constitutionnelle était sous
la protection non seulement de son honneur, mais des traités ; ces traités
étaient une garantie non seulement pour la Pologne, mais pour l’Europe entière.
En effet cette constitution était
un obstacle à l’abus que la Russie pouvait faire de la Pologne. Quoique
imparfaite, elle parait à l’abus du pouvoir de la Russie ; car quand la
Russie a voulu disposer des forces de la Pologne contre la France, elle s’est
trouvée dans cette alternative d’une révolution qui a éclaté, ou de se
soumettre aux vœux des Polonais. C’est précisément parce que la Russie
prétendait s’affranchir du vote de la diète polonaise, que la révolution a
éclaté.
Peut-on dire qu’il n’y a pas de
changement ? mais qu’est-ce qui constitue la nation qui s’appartient, et
qui est réunie à une autre nation, comme la Hongrie à l’Autriche ? c’est
la constitution. Qu’est-ce qui distingue la nation de la province ? c’est
que la nation
Notes
*par sa constitution : le traité de Vienne énonce (article 1) : « Le Duché de Varsovie, [...], est réuni à l'Empire de Russie. Il y sera lié irrévocablement par sa constitution, pour être possédé par S. M. l'Empereur de toutes les Russies, ses héritiers et ses successeurs à perpétuité. ».
*qui [ne] peut : l’original indique « qui peut », mais cela n’a aucun sens
*Quand l’empereur la jura, il déclara que cette garantie constitutionnelle était sous la protection non seulement de son honneur, mais des traités : ???
*qui [ne] peut : l’original indique « qui peut », mais cela n’a aucun sens
*Quand l’empereur la jura, il déclara que cette garantie constitutionnelle était sous la protection non seulement de son honneur, mais des traités : ???
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a une constitution, une armée, une
justice, une administration à elle ; qu’elle ne se rattache à la métropole
que dans les limites de la constitution ; qu’elle a contre les abus de la
métropole la garantie de ces mêmes lois. Voilà comment une nation peut être
réunie à une autre nation, et continuer de s’appartenir.
Eh bien ! aujourd'hui, après
les ukases, que reste-t-il de cette constitution, de cette nationalité ?
il ne reste rien. L’armée a été envoyée au Caucase, elle a été distribuée dans
les régions qui bordent les confins de l’Asie ; l’armée russe est venue
occuper le territoire de la Pologne ; la justice est distribuée par des
magistrats qui relèvent immédiatement de la Russie. Le trésor est à la
disposition de la Russie ; les enfants même de la Pologne sont enlevés du
sol de la Pologne, pour aller peupler les déserts de la Sibérie. Comment
expliquerez-vous cette garantie des traités qui disaient que la Pologne
appartient à la Russie par la constitution, conservant une représentation, une
administration indépendantes ?
Quand, dans l’intérêt de
l’autocrate, on a déclaré que la Russie a fait à l’égard de la Pologne ce que
nous aurions fait à l’égard de la Bretagne, ou de toute autre province
insurgée, on s’est étrangement abusé. La Pologne n’a été réunie à la Russie que
sous la garantie de sa constitution ; il n’en est pas de même de la
Bretagne à l’égard de la France, elle n’a aucun droit politique indépendant à
réclamer.
La Pologne n’a été réunie à la
Russie que par la force des traités politiques ; ces traités politiques
doivent donc être respectés. Nous avons le droit (le ministre des affaires
étrangères ne le contestera pas) d’invoquer ces traités en faveur de la
Pologne, puisque c’est dans ces traités qu’était la garantie de la Pologne.
Ainsi toute cette discussion
politique peut se réduire à deux points. Il s’agit de savoir ce que nous
entendons par les traités de 1814 et de 1815. Nous, nous voulons respecter dans
ces traités les possessions territoriales ; vous, vous prenez tout, vous
respectez même les servitudes. Vous, vous engagez l’autocrate à user d’humanité
envers la Pologne ; nous, nous pensons que vous devez
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réclamer la garantie des traités.
(Vive adhésion aux extrémités.)
M. Thiers*, ministre du Commerce.
– En suivant ce système*, le gouvernement a rendu la paix possible et a sauvé
non seulement la paix, mais la liberté.
Quelques voix. Et la Pologne ?
M. le ministre. – J’accepte
l’interruption. Il n’a pas sauvé la liberté de la Pologne, c’est vrai ;
car cette liberté n’existait pas. La preuve que cette liberté n’existait pas,
c’est que la Pologne s’est insurgée. (Bruits divers.)
M. de Tracy*. – Le ministre
auquel je réponds a passé à côté de toutes les difficultés élevées par les
orateurs qui m’ont précédé. Je m’étonne qu’à l’égard de la Pologne ce ministre
ait pu se permettre de dire que rien n’y était notablement changé. Est-il
possible qu’un ministre ignore qu’avant la révolution de novembre 1830, la
Pologne avait une armée et une administration ! et même une armée
dispendieuse* ! car, disons toute la vérité, l’empereur de Russie, qui
connaissait toute la puissance belliqueuse de la Pologne, a fait tout ce qu’il
a pu pour se l’attacher ; l’armée nationale polonaise coûtait beaucoup au
trésor ; sa suppression donne à la Russie de grandes ressources financières.
C’est un fait qu’un ministre du roi ne peut ignorer ; il doit savoir aussi
que l’empire de Russie, dont les finances ne sont pas dans un état brillant, a
pu, à l’aide des confiscations (2), obtenir des sommes énormes, et
Notes
*M. Thiers :
Adolphe Thiers (1797-1877), député de 1830 à 1851, ministre des Travaux publics
de 1832 à 1834
*en suivant ce système : formulation peu claire ; peut-être faut-il lire en suivant son système, le gouvernement a...
*M. de Tracy : Victor Destutt de Tracy (1781-1864), député de 1827 à 1851, siégeant dans les rangs de la gauche sous la monarchie de Juillet ; fils du philosophe Antoine Destutt de Tracy (1754-1836)
*M. de Tracy : Victor Destutt de Tracy (1781-1864), député de 1827 à 1851, siégeant dans les rangs de la gauche sous la monarchie de Juillet ; fils du philosophe Antoine Destutt de Tracy (1754-1836)
*une armée
dispendieuse : l’armée du royaume de Pologne, commandée par
Constantin, frère des tsars Alexandre et Nicolas, bénéficiait de ressources
considérables, en dehors du contrôle de la Diète
(1) La Gazette d’Etat de Prusse du 14 février, et le Moniteur français* du 23, ont publié, à la demande des légations
russes, une liste des biens confisqués par Nicolas sur les habitants de la
Pologne, dans le gouvernement de Volhynie*. Il en résulte que ce seul
gouvernement produira à l’autocrate :
1° en biens 22 418 000 f.
2) en capitaux 2 717 812
Total 24 235 812 f.
Ajoutons à cela trois autres
gouvernements, et l’autocrate retirera de son brigandage une valeur plus que
suffisante pour couvrir son nouvel emprunt contracté en Hollande*. Si c’est là
une garantie qu’ont cherché les capitalistes hollandais, il faut avouer qu’elle
est sinon honorable, du moins savamment calculée. [58] Ainsi chaque jour nous
découvre de nouveaux sacrifices de la malheureuse Pologne, de nouveaux
empiétements de son oppresseur. Après avoir déchiré les traités, rapproché ses
frontières jusqu’au centre de l’Europe, insulté les puissances qui avaient osé
élever leur faible voix en faveur d’un peuple opprimé, dépopularisé les
monarques vis-à-vis de leurs peuples, et les avoir forcés ainsi à mendier sa
protection, asservi une nation entière sur laquelle il n’a aucun droit, il la
pille maintenant au profit de son fisc. Et l’Europe reste muette à tant
d’iniquités et d’humiliations ! Le
Moniteur du 17 mars publie encore une autre liste des confiscations,
relative au gouvernement de Vilna*.
Notes
*Moniteur français : sans doute le Moniteur universel, journal plus ou moins officiel
*gouvernement de Volhynie : la Volhynie est une province
polonaise annexée par la Russie en 1795 ; elle devient alors le « gouvernement
de Volhynie » (Волынская губерния, Volynskaja
gubernija, chef-lieu : Jitomir, à partir de 1804) ; actuellement
partie de l’Ukraine
*emprunt contracté en
Hollande : attesté (la Hollande, victime de la perte de la Belgique
est alors un pays proche de la Russie)
*gouvernement de
Vilna : Vilna est la forme russe (en cyrillique, Вильна, Vil’na) de Wilno (version polonaise) ou
Vilnius (lituanienne) ; il s’agit aussi d’une ancienne province polonaise
annexée par la Russie à la fin du XVIIIème siècle
Page 59
que par conséquent sa puissance
matérielle et militaire se trouve prodigieusement augmentée.
Vous n’attendez pas de moi,
Messieurs, que je déroule ici le tableau de toues les infortunes de nos frères
de Pologne, de cette nation généreuse dont on devait maintenir la nationalité.
Eh bien ! elle n’existe plus ; les Polonais sont proscrits ; les
enfants sont arrachés à leurs mères pour être envoyés dans les mines de l’Oural.
Détournons la vue de ce tableau qui fait saigner le cœur de tous les Français.
Que vient-on nous dire ? la
Pologne a peu changé ; elle ne pouvait subsister comme nation. Messieurs,
le ministre auquel je réponds a dit l’année dernière qu’elle devait
disparaître, qu’elle n’avait pas de limites sur la carte. Et, chose
bizarre ! dans une histoire justement célèbre*, dans laquelle tout le
monde rend justice au talent de l’écrivain (M. Thiers), on trouve, à propos de
l’abandon de Venise par le général Bonaparte en 1797*, l’accusation d’avoir
sacrifié Venise comme on a sacrifié la Pologne. « Mais quelle différence,
ajoute-t-il, entre Venise qui expirait dans ses lagunes, qui n’avait plus de
commerce, et cette Pologne dont les limites, quoi qu’on en dise, sont tracées
sur la carte ; cette Pologne qui est indispensable à l’indépendance de
l’Europe, cette Pologne qui, malgré une constitution vicieuse, était remplie de
citoyens généreux. » L’éloquent écrivain dit dans son ouvrage, en faveur
du maintien de la Pologne, tout le contraire de ce qu’il a dit à cette tribune. Au moins l’orateur
devait-il s’en tenir aux arguments qu’il a invoqués l’année dernière, pour vous
prouver que la Pologne
Notes
*une histoire justement célèbre : il doit s’agir de L’Histoire de la Révolution française
(1823-1827)
*l’abandon de Venise par le général Bonaparte en 1797 : après
la campagne d’Italie et le traité de Campo-Formio
Page 60
ne pourrait subsister en dépit
des Jagellons et des conquérants de Moscou. Mais il trouve dans son imagination
féconde de nouveaux motifs pour se consoler de la catastrophe de la Pologne,
catastrophe dont je ne me consolerai jamais !
Il est en vérité superflu de
répondre à des objections de cette nature ; elles se réfutent
d’elles-mêmes. Il est certain que la Pologne devait obtenir plus par les
traités qu’on ne voulait lui accorder ; il est également certain que c’est
pour la réalisation de ces promesses que les nobles enfants de la Pologne se
sont levés ; car, dans les plaintes amères qu’on porte contre eux, on ne
cesse de répéter que si les Polonais avaient voulu se contenter de la portion
de liberté qu’on voulait leur laisser, ils l’auraient eue ; c’est en cela
que leur chute est encore plus glorieuse, puisqu’ils n’ont pu être séduits par
les faveurs de l’arbitraire.
Après ce discours, la
Chambre, consultée, a fermé la discussion générale. »
A suivre
*Extraits de presse relatifs aux débats des 19 et 20 février 1833
*Les débats des 19 et 20 février 1833 : analyse et commentaires
Création : 29 septembre 2015
Mise à jour : 19 octobre 2015
Révision : 30 juin 2017
Auteur
: Jacques Richard
Blog :
Sur Frédéric Chopin Questions historiques et biographiques
Page : 210 Le débat parlementaire du 20 février 1833 sur la situation du royaume de Pologne : texte
Lien : http://surfredericchopin.blogspot.fr/2015/09/le-debat-parlementaire-du-20-fevrier.html
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