La nationalité française entre 1789 et septembre 1791
(constitution de 1791), sous la Constituante
Cette page est une annexe de la page Les législations françaises de la Révolution.
Liste des pages annexes :
28 a La
nationalité française sous la Constituante (1789-septembre 1791)
28 c La
nationalité française sous la Convention (juin
1793-septembre 1795)
28 d La
nationalité française sous le Directoire (septembre
1795-décembre 1799)
28 e La
nationalité française sous le Consulat (décembre
1799-1803).
Bibliographie
*Patrick Weil, Qu’est-ce qu’un Français ?
Histoire de la nationalité française depuis la Révolution, Paris, Grasset,
2002 (référence : Weil)
*Les Constitutions de la France depuis 1789,
Garnier-Flammarion, 1970 (référence GF)
Vocabulaire
Plutôt que les formulations « droit du sang »
(voire jus sanguinis ») et
« droit du sol » (voire jus
soli), j’utiliserai des termes liés aux concepts de :
*« filiation » (critère relativement peu important
durant cette période) ;
*« territoire », en distinguant entre le
« lieu de naissance » et le « lieu de résidence »
(probablement le critère le plus important durant cette période en ce qui
concerne la nationalité) ;
*« société » (les liens sociaux jouant
explicitement un rôle important).
En ce qui concerne les mesures votées par les assemblées, je
les qualifierai toutes comme « décrets » (mais elles pourraient aussi
être désignées comme « lois »).
Aspects de la question
Les mesures énumérées présentent deux aspects essentiels
(c’est en fait valable pour toute législation sur la nationalité) :
1) automaticité : l’acquisition de la nationalité
française peut être automatique, c’est-à-dire indépendante d’une décision des
autorités relative à une personne donnée (ce qui n’empêche pas il y ait des
conditions à remplir, mais elles sont définies a priori et de façon générale),
ou non automatique (les autorités peuvent opposer un droit de veto) ;
2) contrainte : elle peut être contraignante,
c’est-à-dire que la nationalité française s’impose à l’intéressé indépendamment
de la volonté de l’intéressé, ou non contraignante (l’intéressé peut la
refuser, notamment en n’accomplissant pas certains actes légalement
nécessaires).
Liste des textes présentés
1) Décret du 2 mai 1790 sur l’accès à la citoyenneté
française des étrangers résidant en France
2) Décret du 6 août 1790 sur le droit d’aubaine et le droit
de détraction
3) Décret du 15 décembre 1790 sur les descendants de
Français émigrés pour des raisons religieuses (Révocation de l’Edit de Nantes)
Les textes
1) Décret du 2 mai 1790 sur l’accès à la citoyenneté
française des étrangers résidant en France
Les étrangers « seront réputés Français et admis, en
prêtant le serment civique, à l’exercice des droits de citoyen actif après cinq
ans de domicile continu dans le royaume, s’ils ont, en outre, ou acquis des
immeubles ou épousé une Française, ou formé un établissement de commerce ou
reçu dans quelque ville des lettres de bourgeoisie » (cité par Weil, p.
19).
Analyse du texte
L’accès à la qualité de Français est ici automatique et
contraignante ; elle inclut (pour les hommes) la citoyenneté passive
tandis que la citoyenneté active suppose la prestation du serment civique, donc
un accord de l’intéressé.
Conditions d’accès
Domiciliation de 5 ans continus
Acquisition d’immeubles/mariage avec une Française/création
d’une entreprise/lettres de bourgeoisie.
Jurisprudence
Le caractère contraignant du texte a été effectivement
utilisé par des juristes pour statuer ultérieurement en matière de nationalité.
Tout d’abord par Merlin de Douai, en 1806, devant le Tribunal de cassation
(affaire Mac-Mahon, Weil, p. 23) ; l’arrêt rendu, quoique conforme à
ce que demandait Merlin de Douai, l’a cependant été en fonction d’un autre
argument (Weil, p. 281, note 47).
En revanche, en 1819, la Cour de cassation prend une
décision en fonction du caractère contraignant du texte (arrêt d’Hénin du 27
avril 1819, Weil, p. 281, note 47).
2) Décret du 6 août 1790
Il supprime le droit d’aubaine et le droit de détraction de
façon unilatérale (Weil, p. 19).
Analyse historique
Le droit d’aubaine (d’origine seigneuriale) pesait sur les
étrangers sous l’Ancien Régime : l’héritage d’un étranger revient au
roi de France.
Cependant, au XVIIIème siècle, de nombreux traités
bilatéraux avaient supprimé le droit d’aubaine de façon réciproque, tout en
maintenant éventuellement une taxe spécifique (10 %) appelée « droit de
détraction ».
L’application du décret de 1790 n’est pas conditionnée par la
réciprocité de la part des Etats étrangers.
3) Décret du 15 décembre 1790
« Toutes
personnes qui, nées en pays étranger, descendent en quelque degré que ce soit
d’un Français ou d’une Française expatriés pour cause de religion sont
déclarés naturels français et jouiront des droits attachés à cette qualité, si
elles reviennent en France, y fixent leur domicile et prêtent le serment
civique » (cité par Weil, p. 20).
Analyse du texte
Le décret distingue clairement entre l’attribution de la
nationalité et sa mise en œuvre effective qui suppose le retour en France.
Analyse historique
Il s’agit d’une réparation envers les protestants victimes
de la révocation de l’Edit de Nantes (Weil, p. 279, note 27).
Ce décret est repris dans la Constitution de 1791, sans
qu’on en élargisse l’application à tous les Français émigrés avant la
Révolution, bien que cela ait été demandé par certains députés (débat entre
Garat et Le Chapelier).
la loi du 15 décembre 1790 a été par la suite confirmée
(avec des aménagements de procédure) par la loi du 26 juin 1889 cf. lien.
Création : 5 novembre 2013
Mise à jour :
Révision : 2 août 2017
Auteur
: Jacques Richard
Blog :
Sur Frédéric Chopin Questions historiques et biographiques
Page : 28 a La nationalité française sous la Constituante (1789-1791)
Lien : http://surfredericchopin.blogspot.fr/2013/11/28-nationalite-sous-la-constituante.html
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